Sunday, 15 August 2010

Sida: Capote or not capote? La prévention chez les gays

Alors qu'un désamour du préservatif se fait sentir dans la population gay, la trithérapie apparaît comme un complément à la prévention. Vingt-huit ans après son apparition, le virus du sida continue de se propager. Particulièrement touchée par l'épidémie, la population homosexuelle masculine constitue le groupe où l'on observe le plus de nouvelles contaminations. Une incidence et une prévalence au VIH fortes font que le risque de contamination y est très élevé. Les comportements préventifs s'érodent, augmentant les « chances » d'infection. Derrière ce bien sombre tableau se cache tout de même une lueur d'espoir. Les trithérapies pourraient changer la donne, dans le bon sens.

L'hécatombe continue : Alors que le nombre de nouveaux cas d'infections au sida diminue globalement en France, il demeure élevé au sein de la communauté gay. Avec 3 320 nouvelles contaminations en 2008, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont les plus touchés par le virus du sida. Chaque jour en France, neuf homosexuels découvrent donc leur séropositivité. Le taux d'incidence ( nombre de personnes contaminées sur un an ) rapporté à l'effectif total de cette population, est de 1%, soit 200 fois plus que chez les hétérosexuels.

Emmanuel Château, membre de la commission prévention d'Act Up Paris, évoque les raisons du dynamisme de l'épidémie en milieu gay : " On est dans une situation un peu paradoxale : les gays se protègent plus que tout le monde ; comme il y a plus de séropositifs et aussi plus de partenaires, le risque est plus important qu'ailleurs ".

Anne Armand, pharmacienne vacataire, référent VIH à l'hôpital Bon Secours à Metz, s'inquiète d'une nouvelle recrudescence de l'épidémie, car le chiffre des nouvelles infections homosexuelles avoisine ceux du début des années 2000.

Avec un taux de prévalence ( nombre de séropositifs dans une population déterminée ) aux alentours de 10% et une incidence élevée, l'épidémie est loin de s'essouffler en milieu gay. Des études arrivent même à un constat alarmant, comme l'explique Jean Luc Ferry, coordinateur de la délégation de la Moselle d'Aides : " On extrapole qu'aux alentours de 2050, un gay sur deux pourrait être séropositif ".



La capote n'a plus la cote : L'enquête Prévagay, réalisée par l'INVS ( Institut national de veille sanitaire ) auprès des HSH fréquentant les lieux de convivialité gay parisiens, a estimé que le taux d'incidence dans cette population était de 7,5%. Même s'il s'agit d'une population spécifique, ces chiffres montrent que l'épidémie pourrait se répandre encore plus vite et toucher bien plus qu'un gay sur deux... Fer de lance de la lutte contre le sida depuis près de trente ans, le préservatif semble, pour certains gays, avoir fait son temps. Le " sortez couvert " devenu culte s'essouffle. Selon des études conjointes de l'INVS et de l'ANRS ( Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales ) : " (... ) Les rencontres multiples et brèves, souvent anonymes, constitutives de l'identité homosexuelle, s'accompagnent d'un abandon de plus en plus fréquent du préservatif ".






Le sida apparaît plus comme une maladie chronique : En plus du désamour des gays envers le préservatif, le virus lui-même commence à lasser. " Aujourd'hui, le sida n'apparaît plus comme une maladie mortelle, mais plus comme une maladie chronique ", explique Christian, bénévole chez Aides. Michel Celse, rapporteur du Conseil national du sida, évoque les raisons de cette chute des comportements préventifs classiques.

En effet, les choses ont changé dans la sexualité gay. Le " safe sex " séduit de moins en moins. Un responsable d'Aides déplore : " Aujourd'hui, il est presque de bon ton de baiser sans capote ".

Pour justifier ce rejet progressif du latex, tout est bon. Florilège des explications du milieu, sur des images de la campagne de prévention de l'INPES de 2008. ( Voir la vidéo san le billet ci-dessous ).

Franck, patron du Men's club, un sauna gay, estime que l'efficacité des traitements antirétroviraux pousse certains hommes d'âge mur à ne plus se protéger.

Laurent Schultze, responsable de l'association Emergences, dresse le même constat chez les jeunes : " Pour eux, c'est le " no capote " qui prime. Ils se disent que le VIH n'existe plus parce qu'il y a la trithérapie ". Pourtant, comme l'explique Christian, la trithérapie demeure un traitement lourd, et à vie.

Prendre des risques à moindre risque : L'arrivée des trithérapies en 1996 a révolutionné le traitement de la maladie, en empêchant l'évolution du VIH chez les personnes infectées. Le premier bénéfice de ces antirétroviraux a été d'augmenter considérablement l'espérance de vie des séropositifs.

En 2008, une annonce est venue bouleverser toute la stratégie de prévention dans la lutte contre le sida. Le docteur Hirschel affirmait en effet que : " Toute personne séropositive ne souffrant d'aucune MST et suivant un traitement antirétroviral avec une virémie entièrement supprimée ne transmet pas le virus par voie sexuelle ". De nombreuses polémiques ont vu le jour après cette déclaration, médecins et associations craignant que des dérives apparaissent.

Depuis, le soufflé est un peu retombé et le Conseil national du sida a rendu en avril dernier un avis favorable à l'utilisation du traitement comme outil de prévention. Pour Christian, séropositif sous traitement efficace, la trithérapie peut permettre sous certaines conditions une nouvelle sexualité. Mathieu Follea, chargé de prévention grand Est du Syndicat national des entreprises gaies (SNEG), atteste lui aussi de l'intérêt préventif du traitement.

" Un couple dont un partenaire est séropositif, l'autre est séronégatif, si le partenaire séropositif (... ) a un traitement suffisamment efficace pour atteindre ce qu'on appelle une " charge virale indétectable ", il est beaucoup moins contaminant. […] C'est scientifiquement prouvé ".

Michel Celse du CNS estime : " ( Qu' ) il y a tout un champ qui s'ouvre avec la question de l'usage du traitement en prévention. Ça réduit de manière extrêmement forte le risque de transmettre le virus. Ce n'est pas une protection absolue, il existe un risque résiduel, mais c'est un outil intéressant ".





Le traitement constitue un outil de prévention utile, notamment en direction des gays qui sont déjà en situation d'échappement vis-à-vis du préservatif. « Il est indéniable que le traitement a sa place dans la prévention », souligne le rapporteur du CNS.

Une éradication possible du sida pour 2050 : Même si le préservatif ( bien utilisé ) reste la norme indiscutable en matière de protection, il faut maintenant " marier traitement et prévention ", comme le martèle le docteur Myron Cohen, professeur de médecine et microbiologie. Au vu des contaminations en milieu gay, toutes les méthodes permettant de réduire les risques de contaminations doivent être intégrées dans les actions de prévention. Bien utilisé, le traitement antirétroviral est l'outil le plus puissant ( après le préservatif ) en matière de réduction du risque de transmission et, du coup, en matière de contrôle de l'épidémie.


Jean Luc Ferry insiste sur l'effet positif d'une généralisation du traitement au plus grand nombre de personnes séropositives.




Michel Celse appuie : " Si la prévalence diminue, on rentre dans un cercle vertueux qui fait qu'au fur et à mesure qu'elle diminue, le risque d'exposition diminue, le nombre de nouvelles contaminations aussi et ainsi de suite ".

Organisation mondiale de la santé arrive également à cette conclusion. En favorisant le dépistage annuel de toute la population sexuellement active et en mettant sous traitement immédiatement les personnes infectées, on pourrait conduire à l'éradication de l'épidémie pour 2050.

Et si on n'avait plus besoin de vaccin...

Source By http://www.rue89.com and Thierry Heure

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